CHRONIQUE «JEUDI POLAR» LES OMBRES DE PARME
Par Alexandra Schwartzbrod — 13 août 2020
Avec «Or, encens et poussière», l’auteur italien Valerio Varesi nous attache à un flic tout en douceur et en chagrin.
Il faut aimer les polars un peu éthérés pour se plonger dans le dernier roman de l’italien Valerio Varesi. Surtout ne pas s’attendre à des scènes de castagne, à un personnage de dur à cuire cynique et désabusé. Non, ce polar-là est pour les rêveurs, les poètes. Son héros, le commissaire Soneri, au passé tragique (il a perdu une femme et un enfant), est un homme éperdument amoureux qui crève de trouille de perdre la femme qu’il aime. Angela ne lui a pas caché être attirée par un autre et joue un peu avec lui, attisant sa jalousie et son insécurité. Il passe donc ses journées à arpenter les rues de Parme, sa ville, pour penser à autre chose, espérant et redoutant à la fois croiser l’amant sur son chemin. Gourmand, il s’arrête souvent dans un bar à vin pour manger du grana en buvant du Lambrusco avant de fumer un bon toscano.
C’est un grand romantique, ce flic, et cela explique aussi pourquoi il se prend d’intérêt pour Nina Iliescu, une immigrante roumaine d’une grande beauté dont le corps a été retrouvé carbonisé au bord d’une route dans la plaine du Pô, à proximité d’un lieu fréquenté par les gitans. Elle semblait être prête à tout pour s’arracher à sa vie précaire, trouver un homme, fonder une famille. Et d’ailleurs, elle était enceinte quand elle a été tuée, et cette information serre le cœur de Soneri. Qui était vraiment cette femme ?
A force d’enquêter, Soneri découvre que Nina collectionnait les amants au sein de la haute société parmesane et qu’elle s’était fait une spécialité de les quitter en les laissant frustrés et furieux. Sa mort est-elle une vengeance ? Un règlement de comptes ? Un coup de folie ? L’intrigue est un peu dure à suivre mais peu importe, ce roman vaut surtout pour un personnage secondaire, formidable, Sbarazza, un clochard en costard, homme d’une grande élégance qui a l’habitude d’entrer dans les restaurants pour prendre la place de consommatrices (uniquement des femmes) et finir leurs assiettes ni vu ni connu. Il vit dans la rue mais on l’appelle Monsieur le marquis.
Alexandra Schwartzbrod Site Libération